13
Mai

Fraîchement débarqué de sa Hollande natale, elle se confronte au redoutable Godard

Maruschka DetmersLa première fois que j’ai rencontré Maruschka Detmers, elle allait commencer le tournage de « La pirate » et tirait une leçon provisoire de ses deux premiers films. Elle gardait un souvenir ému du « Faucon » de Paul Boujenah, parce que le réalisateur et son équipe avaient été attentionnés vis-à-vis d’elle, que le tournage n’avait duré que quelques jours, et que même si son rôle était court, son personnage était tout de même essentiel à l’histoire. Et puis, après « Prénom Carmen », il était agréable de ne pas avoir le sentiment de porter un film sur ses épaules. De Godard, elle gardait un souvenir mitigé. Il faisait semblant d’improviser, disait-elle, leur donnait des petits bouts de papier à elle et Jacques Bonnaffé juste avant les prises, et c’était le texte exact inscrit sur ces bouts de papier qu’il fallait dire. En fait, tout était programmé, maîtrisé, jusqu’aux déclarations du réalisateur contre ses acteurs débutants qui se prenaient déjà pour des stars et qu’il accusait d’avoir des caprices.
Maruschka DetmersComme si, depuis des années, ce n’était pas Godard la star de ses propres films, et comme s’il y avait d’autres caprices que les siens. Quoi qu’il en soit, Maruschka Detmers, encore fraîchement débarquée de sa Hollande natale, ex-baby sitter, ex-élève prodige du cours Florent, n’avait alors pas encore eu l’impression de jouer. Génial découvreur de talents naturels, Godard avait tiré parti de sa personnalité, de ses attitudes, de ses hésitations et maladresses. C’était presque un psychodrame en direct. Il la provoquait, elle réagissait.

Il montrait sa formidable photogénie, révélait qu’elle avait l’étoffe d’une authentique comédienne. Paul Boujenah, sur les conseils de Francis Huster, avait compris le message. Il avait utilisé son beau visage pour hanter un film entier alors qu’elle n’avait que quelques minutes de présence effective à l’image. Avec Doillon et « La pirate », elle effectue un retour au psychodrame.